Sur vestiges
A Faraday Cage is a space surrounded by a metal mesh totally isolated from electromagnetic radiations. No signal can then enter or exit. By extension, a Faraday cage designates a room or building thus protected.
Publisher:
Première:
Octobre 2018, Noémi Boutin & Quatuor Béla, La Belle Saison-Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, France.
Year
2018
Commission:
La Belle Saison-Théâtre des Bouffes du Nord with the support of ProQuartet for Noémie Boutin & Quatuor Béla.
Duration:
28 min
Sur vestiges – 2018
for string quintet (with two cellos)
When the Béla Quartet and Noémi Boutin asked me to compose a string quintet with two cellos, I naturally thought of Franz Schubert’s quintet. This extraordinary work that had accompanied me regularly at different stages of my life as a musician, re-emerged as a future concert program partner: the commission was to be a penchant for Schubert’s piece, a distant double. The piece would then emerge from the remains of its alter ego. In the concert program, it would precede it.
I had previously composed in response to works from the repertoire: my Madrigali to the vocal monodies of Sigismondo D’India and Nuits-Cassation in response to Wolfgang A. Mozart’s Gran Partita. Here I wanted to take other paths: to compose like someone who picks up the remains of a forgotten work and reinterprets them with his own constraints and those of his time. Through this positioning, I wanted to account for the metamorphoses linked to time that Schubert’s piece, and especially its language, have undergone. Those of its syntax and its outdated expressive codes. Those of the principles of formal construction that are no longer the standard today. And above all, those linked to the instrumental technique itself, which has evolved so much in recent years. This last point represents for me a real challenge of the times and a musical resource which seems inexhaustible.
Another idea, with its own conditioning, emerged from the position that the first cello would have on stage: it would be in the center and at the front of the stage, while the quartet would be placed in an arc on a second level. A quartet doubling the cello in a double of the Schubertian double: the Russian dolls that surround each other at the same time as they chase each other. This placement on the stage reveals a particularly strong dramaturgy: the quartet is placed in a position of attack, of threat, of harassment. The cellist is the victim, she is destabilized, put in danger. She must respond, defend herself. What is then played out is the representation of a struggle, of a manhunt – or a womanhunt -: the description of a fight. This conflict with multiple stakes, would highlight several levels of meaning: the idea of response then settled into the dynamics of the composition of the piece. Reply: response to the attack, fragile antidote to the devastating argument, shock after the great tremor. But also: fold the opposing argument with the aim of making it fold in turn.
If the reply is feminine, the attack can just as well be. Last element therefore of this veritable sound and musical staging: a young girl will be the human being that we will perceive on the front of the stage, the immediately visible witness of our listening, the apparent and seemingly actress, the first visible person responsible for the fight. She is at the same time at the origin of the first stone and victim of the responses, responsible for the (counter) attacks and target of the replies following them. A young girl “beautiful as the dawn”.
Sur vestiges presents a rather complex form structured in different parts, systematically punctuated by the cello which clearly plays a soloist role. Some passages are then structured on the basis of two interacting levels, the musical materials emerging from the main instrument and the quartet then developing in its own way and distantly, the ideas that have been put forward. These two levels are sometimes amplified and highlighted by the use of metal mutes by some of the instruments or wooden clothespins on the low string (in C) of the two cellos, signifying then by the timbre and the intelligibility of the sound, two sound spaces characterized with clarity or in the shadow. In the final part of Sur vestiges, the quartet physically and progressively joins the cello on the front of the stage. This re-inversion of the levels is a simplification of the sound and musical relationships and coincides with an impoverishment of the materials that will then express a rapprochement with the main idea – in harmonies breathing by crescendo / decrescendo – of the accompaniment on the beginning of the first movement of F. Schubert’s quintet. This passage is this and nothing else: a transition between two eras, two practices, two musical worlds that are distant and, as we will see, very different.
The question then arises as to whether or not this quintet can be interpreted independently of that of F. Schubert. My answer is that any work must be able to exist autonomously since it is part of a process of becoming, thus making voluntary or involuntary reference to this process.
Sur vestiges was created by the Béla quartet and Noémi Boutin on October 8, 2018 at the Théâtre des Bouffes du Nord, as part of La Belle Saison.
Daniel D’Adamo
The quote in quotation marks belongs to Pascal Quignard, and is found in the « IVe Traité » of « La haine de la musique ». The author evokes the legend of Jean de l’Ors, a hybrid being, half-human, half-animal, born from the mating of a bear and a woman.
Sur vestiges – 2018
pour quintette à cordes (avec deux violoncelles)
Quand le quatuor Béla et Noémi Boutin m’ont proposé de composer un quintette à cordes à deux violoncelles, j’ai bien sur pensé au quintette de Franz Schubert. Cette œuvre extraordinaire qui m’avait accompagné régulièrement à différentes étapes de ma vie de musicien, re- surgissait alors comme futur partenaire de programme de concert : la commande devait être un penchant de la pièce de Schubert, un double éloigné. La pièce allait alors surgir des décombres de son alter ego. Dans le programme de concert, elle la précèderait.
J’avais par le passé composé en réplique à des œuvres du répertoire : mes Madrigali aux monodies vocales de Sigismondo D’India et Nuits- Cassation en réponse à la Gran Partita de Wolfgang A. Mozart. J’ai voulu ici prendre d’autres chemins : composer comme celui qui ramasse les vestiges d’une œuvre oubliée et les re-interprète avec ses propres contraintes et celles de son époque. A travers ce positionnement, j’ai voulu rendre compte des métamorphoses liées au temps que la pièce de Schubert et tout particulièrement son langage, ont pu subir. Celles de sa syntaxe et de ses codes expressifs désuets. Celles des principes de construction formelle aujourd’hui plus du tout dans les normes. Et surtout, celles liées à la technique instrumentale elle-même, qui a tellement évolué ces dernières années. Ce dernier point représente pour moi un véritable enjeu d’époque tout comme une ressource musicale qui me paraît inépuisable.
Une autre idée, avec ses propres conditionnements, surgissait à partir de la disposition que le premier violoncelle allait avoir sur scène : il serait au centre et sur le devant de la scène, tandis que le quatuor se placerait en arc de cercle sur un second plan. Un quatuor doublant le violoncelle dans un double du double schubertien : les poupées russes qui s’entourent en même temps qu’elles se poursuivent. Ce dispositif scénique révèle une dramaturgie particulièrement forte : le quatuor est placé en position d’attaque, de menace, de harcèlement. La violoncelliste est la victime, elle est déséquilibrée, mise en danger. Elle doit répliquer, se défendre. Ce qui se joue alors est la représentation d’une lutte, d’une chasse à l’homme – ou à la femme – : la description d’un combat.
Ce conflit à enjeux multiples, mettrait en évidence plusieurs plans de signification : l’idée de réplique s’est alors installée dans la dynamique de composition de la pièce. Réplique : réponse à l’attaque, antidote fragile à l’argumentaire dévastateur, secousse après le grand tremblement. Mais aussi : replier l’argumentaire adverse avec l’objectif de le faire replier à son tour.
Si la réplique est féminine l’attaque peut tout aussi bien l’être. Dernier élément donc de cette véritable mise en scène sonore et musicale : une jeune fille sera l’être humain que l’on percevra sur le devant de la scène, le témoin immédiatement visible de notre écoute, l’actrice apparente et en apparence, la première responsable visible du combat. Elle est à la fois à l’origine de la première pierre et victime des réponses, responsable des (contre) attaques et cible des répliques les succédant. Une jeune fille « belle comme l’aurore ».
Sur vestiges présente une forme assez complexe structurée en différentes parties, rythmées systématiquement par le violoncelle qui tient de toute évidence un role de soliste. Certains passages sont alors structurés sur la base de deux plans interagissant, les matériaux musicaux surgissant de l’instrument principal et le quatuor élaborant alors à sa manière et à la distance, les idées qui ont été avancées. Ces deux plans sont parfois amplifiés et mis en valeur par l’utilisation des sourdines en métal par certains instruments ou des pinces à linge en bois sur la corde grave (en ut) des deux violoncelles, signifiant alors par le timbre et l’intelligibilité du son, deux espaces sonores caractérisés avec clarté ou dans l’ombre.
Dans la partie finale de Sur vestiges, le quatuor rejoint physiquement et progressivement le violoncelle sur le devant de la scène. Cette re-inversion des plans est une simplification des rapports sonores et musicaux et coincide avec un appauvrissement des matériaux qui vont exprimer alors un rapprochement avec l’idée principale – en harmonies qui respirent par crescendo / decrescendo – de l’accompagnement du début du premier mouvement du quintette de F. Schubert. Ce passage est ceci et rien d’autre : une transition entre deux époques, deux pratiques, deux mondes musicaux éloignés et, on le constatera, très différents.
Se pose alors la question de pouvoir ou pas interpréter ce quintette indépendamment de celui de F. Schubert. Ma réponse et que tout oeuvre doit pouvoir exister de manière autonome puisqu’elle s’inscrit dans un devenir, faisant alors volontaire ou involontairement référence à ce processus.
Sur vestiges a été créée par la quatuor Béla et Noémi Boutin le 8 octobre 2018 au Théâtre des Bouffes du Nord, dans le cadre de La Belle Saison. Daniel D’Adamo
Daniel D’Adamo
La citation entre guillemets appartient à Pascal Quignard, et se retrouve dans le IVe traité de La haine de la musique. L’auteur évoque la légende de Jean de l’Ors, être hybride, mi-humain, mi-animal, né de l’accouplement d’un ours et d’une femme.